|L.a.c.h.o.s.e.c.o.m.p.l.e.x.e|
Pour la prépa, je dois acheter tellement de livres. Je pourrais les emprunter à la bibliothèque, mais bien entendu, je préfère les avoir dans la mienne.
Quand Gide
dit « J’écris pour être relu », il sait sans doute que cette
déclaration ne fait pas loi, et qu’une fois abandonnée au public, l’œuvre
n’appartient qu’à lui. Si je veux refermer
L’immoraliste au bout de deux pages (ce que j’ai fait à l’instant), Gide ne
pourra pas me forcer à le terminer, et encore moins à le lire à nouveau. Il ne
pourra pas non plus m’empêcher de déchirer l’incipit, d’écrire des idioties
dans la marge, de commencer par la fin, de la raconter à tout le monde, de mal saisir.
Personne n’était censé rire devant La
cantatrice chauve ; personne n’aurait dû applaudir à la fin d'En attendant Godot. Mais mes chers, très
chers, dramaturges fous, en tentant de vous faire comprendre de la sorte, vous
n’avez fait qu’éparpiller le troupeau.
Pire :
certains autres, dans leur infinie bonté, ont décidé d’éclairer les lanternes des
pauvres ignorants. Ceux-là « expliquent », « traduisent » en
langage populaire ce qui existait à l’état pur dans le langage poétique. Sur un
livre trois fois plus volumineux que la Bovary,
on parvient à réduire, à cloisonner les richesses infinies, inépuisables des
mots flaubertiens. On crée des lieux communs, des symboles, des mythes. Quelque
chose d’aussi fin que blanc = pureté et rouge = passion.
J’ai déjà
été confrontée à ce genre de situations. La justification de l’usage d’un mot,
d’une tournure, d’une rime, comme si c’était mathématique. C’était une erreur.
D’abord parce que cela condamne la polysémie. Ensuite parce que c’est
transgresser les règles du jeu. Si le lecteur doit s’empêcher d’enfermer les
images d’un mot dans un terme scientifique, l’auteur n’a pas à le faire à sa
place. On admire (vénère !) très bien le talent d’écrivains qui refusaient
jusqu’à la paternité de leur propre création. Il n'y a rien à justifier. C'est ainsi, alors "es muss sein !".
Tout ça simplement parce que je remarque combien on peut salir des textes sublimes en
passant des heures à les décortiquer. Démanteler leur mystère revient à
éventrer l’auteur. Expliciter les secrets qui dialoguent avec notre âme en
cachette revient à trahir les jolis créateurs. Parler au nom des génies revient à dénaturer la littérature.
C’était mon horrible moment
théorique un peu douteux.
Je vous épargne mes considérations sur le proverbe « L’homme pense, Dieu rit ».
« Pour
aborder des questions infiniment moins barbantes » [c’était juste pour
essayer de parler comme Mme A. – je le ferai plus.]… il faudra attendre le
prochain article. Pour l’heure, je retourne à ma dissertation, et ses
problématiques existentielles.